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Manger local et de saison

Manger local et de saison, c’est reprendre contact avec celles et ceux qui nous nourrissent, retrouver la fraîcheur des aliments et les saveurs du terroir. C’est aussi encourager la production alimentaire près de chez soi et, par la même occasion, l’autonomie alimentaire et un partage plus juste des ressources nourricières avec le reste du monde.
Manger local et de saison ? C’est du bon sens au fond, pour un retour au sens et au plaisir… de tous les sens.
Merci à Benjamin Chiquet et à Daniel Vuillon pour leurs précieux éclaircissements et témoignages. Merci à Séverine Millet et Anne Cariou pour la rédaction.
 

GARANTIR L’AUTONOMIE ALIMENTAIRE, PRÉSERVER LES TERRES NOURRICIÈRES ET L’ACTIVITÉ DES PAYSANS PRÈS DE CHEZ SOI

Pourquoi ?

Aujourd’hui, 30 % des terres arables de la planète ont été stérilisés depuis les années 70 ; 30 % sont dévolus à la culture céréalière destinée à l’élevage et une grande partie pourrait être reconvertie pour produire des agrocarburants. Le « capital naturel » permettant aux humains de se nourrir se réduit donc comme peau de chagrin - une exploitation agricole disparaît toutes les vingt minutes en France -, tandis que la population mondiale ne cesse de croître et que les contraintes énergétiques se complexifient : les énergies fossiles permettant à des denrées de parcourir des milliers de kilomètres se raréfient de façon drastique. Une grave crise alimentaire, dont nous voyons déjà les prémisses, pourrait ainsi éclater dans les années à venir.
Or, l’autonomie alimentaire des régions françaises varie de 10 à 25 %, chacune d’elle ne produisant le plus souvent que quelques types de denrées destinés à l’exportation et important le reste, principalement des autres régions françaises et de l’Europe.
Il est donc important de protéger les terres nourricières en favorisant le maintien ou la création de petites exploitations de proximité destinées à nourrir les populations là où elles vivent ; et de revenir autant que possible à une transformation locale des aliments, limitant ainsi les transports sur de grandes distances.

Comment ?

En achetant auprès des producteurs locaux (vente à la ferme, marchés, paniers) afin de contribuer à faire émerger une autre logique de production et de distribution. 
Un exemple qui marche ? Le système des AMAP (Association pour le Maintien d’une Agriculture Paysanne). Il propose de créer un lien privilégié entre un paysan et un groupe de consommateurs qui, chaque semaine, va remplir son panier de fruits et de légumes frais, de viande, de vin… Cette collaboration permet à des milliers de paysans de s’installer tous les ans sur de petites exploitations respectueuses de l’environnement. La France comptait 500 AMAP en 2007, elles sont 4000 en prévision en 2010. Les AMAP connaissent un tel succès qu’elles affichent souvent complet ! Alors pourquoi ne pas en créer une ? (voir la fiche pédagogique : "Comment créer une AMAP").
En cultivant un bout de jardin potager, en faisant du micro jardinage en ville - plus de la moitié de la population mondiale est vit en ville -, sur sa terrasse, son balcon ou même son rebord de fenêtres. Voir par exemple les conseils de l’association Graine de Jardin.
En créant un jardin collectif dont on partage la production à plusieurs familles : demander à sa mairie de prêter ou louer un terrain en friche, ça se trouve, d’autant que c’est le conseil municipal qui est maître de l’aménagement foncier communal.
Ou alors on s’inspire du concept Sun Barge, une production de légumes sous serres et sur barges à New York. Ce projet test d’une conception parfaitement propre et durable (à part peut-être l’usage de biocarburant) a pour ambition de s’exporter sur les toits de la ville. Ses initiateurs pensent ainsi pouvoir alimenter toute la population new yorkaise en légumes !

SAUVEGARDER LA BIODIVERSITÉ AGRICOLE ET LA SPÉCIFICITÉ DES TERROIRS

Pourquoi ?

Selon la FAO (Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture), 75 % des variétés agricoles cultivées dans le monde ont disparu depuis 1900, et avec elles un patrimoine génétique d’une extrême richesse, notamment d’adaptation aux spécificités locales des sols. Ainsi, une seule variété de fraise occupe 80 % des surfaces mondiales consacrées à ce fruit (alors qu’on compte 1200 variétés de fraises sur la planète !).
En France, l’agriculteur est limité à la culture de variétés de semences inscrites aux catalogues français et européens, pour la plupart des hybrides non stables (ce qui interdit de replanter les graines et nécessite de les racheter chaque année). En cultivant ces variétés hybrides ou bien des organismes génétiquement modifiés, l’agriculture uniformise la production et condamne la richesse de la biodiversité végétale.
De même, en limitant l’élevage à quelques races animales performantes, l’élevage industriel fait aussi disparaître notre patrimoine animal.
Pourtant, cette biodiversité est l’héritage dû à nos enfants. Elle est la richesse de la variété opposée à la monotonie de la standardisation. Elle est toute la puissance créative de la Nature qui s’adapte aux sols et aux climats en inventant des espèces par milliers, végétales et animales. Un travail de millions d’années de sélections et de mutations qui a permis de pérenniser la Vie. Et cette inventivité, combinée au génie créatif de l’homme, qui a sélectionné et croisé semences et races, a longtemps produit des résultats agronomiques élevés.
Cela vaut donc la peine d’encourager la polyculture. Au contraire de la monoculture, elle garantit la rotation des terres et donc leur fertilité pérenne ; elle favorise les particularités locales et redonne toute leur place aux terroirs et aux goûts.

Comment ?

En choisissant d’acheter des fruits et légumes cultivés sur des exploitations de taille réduite qui pratiquent une agriculture écologique et favorisent les variétés locales.
En achetant son fromage chez le fromager, sa viande chez le boucher, ses fonds de sauce chez l’épicier plutôt qu’en petite, moyenne et grande surfaces (quoique certaines d’entre elles vendent parfois des produits du terroir local). Et en n’hésitant pas à demander à son fromager, à son boucher et à son épicier d’où viennent les denrées qu’ils proposent ; et à les inciter à l’occasion à présenter plus de produits du cru, mémoires d’un savoir-faire ancestral et régional.

ENCOURAGER UNE ÉCONOMIE LOCALE ET CRÉER DES EMPLOIS QUI ONT DU SENS

Pourquoi ?

Le réseau de la grande distribution a pour critère prépondérant le prix. Un producteur qui vend sa production aux centrales d’achat est donc souvent contraint de privilégier la quantité au détriment de la qualité et de brader le fruit de son travail. En France, 25 % des paysans ont un revenu inférieur au RMI, 40 % disposent de moins du Smic pour vivre. Alors que simultanément, les marges de la grande distribution ne cessent d’augmenter.
A contrario, un producteur qui a une relation directe avec ses consommateurs a la possibilité de valoriser un travail de qualité et de le vendre à un prix juste qui n’est pas soumis à la grande chaîne des intermédiaires.

Comment ?

En favorisant les circuits courts de production et de distribution (fermes, petits producteurs locaux, sur les marchés notamment).
En adhérant à l’association Slowfood. Née en Italie à Bra en 1986 et essaimant depuis dans le monde, ce groupement défend et encourage l’achat local et de saison, la biodiversité, la spécificité des terroirs, le lien entre producteurs et consommateurs. Il prône aussi la lenteur, telle celle d’un bon repas dégusté ensemble. Les conviviums (groupes locaux) organisent notamment des ateliers d’éducation au goût, pour les adultes et les enfants.
En devenant « locavore ». Initié en 2004 en Californie, autour de la baie de San Francisco, ce mouvement réunit des personnes qui consomment autant que possible de la nourriture produite dans un rayon de 160 km (100 miles) autour de chez elles. Leur intention : préserver le terroir, la fraîcheur et le goût des aliments, le lien avec les saisons et les producteurs, et faire marcher l’économie locale. Et s’il faut acheter une denrée fabriquée « hors zone », privilégier le terroir : brie français ou parmesan italien sont donnés comme exemples.

RÉDUIRE LES TRANSPORTS ET MINIMISER LES CHANGEMENTS CLIMATIQUES

Pourquoi ?

Aux Etats-Unis, l'article alimentaire parcourt entre 2500 et 4000 kilomètres, soit 25 % de plus qu'en 1980. Au Royaume-Uni, en vingt ans, la longueur moyenne du voyage des produits alimentaires a augmenté de 50 %. Bref, c’est après environ 1500 kilomètres qu’un aliment arrive dans notre assiette.
Le transport de marchandises, par voie maritime, routière ou aérienne, provoque un grand nombre de nuisances environnementales (pollution, bruit, constructions d’infrastructures…) alors que de nombreux produits alimentaires de nécessité sont fabriqués en France, voire même tout près de chez soi.

Comment ?

On apprend à lire les étiquettes quand on fait ses courses (on regarde d’où ça vient). Est-ce bien nécessaire d’acheter des haricots verts cultivés au Kenya (ce qui est le cas souvent des conserves) ? des kiwis australiens quand on en produit dans le Sud de la France ? des pommes du Chili ?
On préfère les aliments frais à ceux en conserve ou surgelés : leur conditionnement spécifique est consommateur d’énergie.
On achète des fruits et des légumes de saison. Un fruit hors saison importé consomme pour son transport 10 à 20 fois plus de pétrole que le même fruit produit localement lorsque c’est la saison. Ainsi, 1 kg de fraises d'hiver peut nécessiter l'équivalent de 5 litres de gasoil pour arriver dans notre assiette ! Manger des fruits et légumes hors saison encourage les cultures sous serre, gourmandes en eau et en chauffage. Cela n’empêche pas de se régaler de bananes, de mangues et d’ananas lorsque c’est la saison, de café et de cacao aussi, toutes denrées à la production proprement exotique. Penser alors au commerce équitable : il garantit une rétribution plus juste des cultivateurs et il est attentif à la préservation de l’environnement.
On mange moins de viande de bœuf et de veau. Produire un kilo de boeuf engendre 50 à 100 fois plus d'émissions de gaz à effet de serre (GES) que de produire un kilo de blé. Les bêtes sont très gourmandes en végétaux et cette culture intensive est fortement émettrice de GES : fabrication et décomposition des engrais azotés, usage du tracteur notamment. De plus, la digestion des ruminants produit du méthane, 23 fois plus « réchauffant » que le CO2 (source : Jean-Marc Jancovici, www.manicore.com ). Et du coup, on achète sans culpabiliser des litchis de Madagascar !

PARTICIPER À UNE RÉPARTITION ÉQUITABLE DES RICHESSES

Pourquoi ?

La production massive et subventionnée de l’agriculture occidentale (Europe et Etats-Unis principalement) permet des prix de revient tellement bas que le transport d’un produit ne représente plus qu’1 % de son coût global. On peut par conséquent trouver des fruits et légumes européens à Dakar trois fois moins chers que les produits locaux (cf Jean Ziegler, dans "We feed the world"). Ce mode de production et de consommation participe ainsi à la détresse et à la pauvreté des paysans du Sud.
La logique économique presque exclusivement axée sur les notions de croissance et de rentabilité conduit un nombre de plus en plus grand de pays du Sud (Afrique, Maghreb, Amérique du Sud…) à produire en masse pour l’exportation. La région d’Agadir au Maroc mobilise ainsi la quasi totalité des réserves en eau pour ses grandes exploitations de cultures intensives (conventionnelles mais également biologiques, voir "Manger bio ?"). Les paysans locaux sont ainsi en partie privés d’eau pour leurs cultures et la population privée des denrées destinées à l’exportation. Elle ne bénéficie pas non plus la plupart du temps des devises ainsi générées. Dans d’autres pays, cette course au profit de masse se traduit par des expropriations illégales de paysans chassés de leurs terres et allant grossir le rang des déshérités des villes, ou bien par des déforestations pour planter du soja et du maïs OGM destinés au bétail « occidental » (au Brésil et en Argentine).
Plus d’un milliard de personnes dans le monde sont sous-alimentées et 70 % d’entre elles sont des paysans (source : FAO).

Comment ?

Une fois encore en privilégiant l’achat de denrées produites localement, dans l’intention de laisser aux populations (particulièrement des pays dits « émergents » et à ceux en « voie de développement ») la possibilité de jouir des ressources de leur territoire et de la liberté de produire d’abord pour elles-mêmes, de vivre et de se nourrir de cette production.
En achetant des fruits et des légumes chez de petits producteurs (voir notre annuaire d’acteurs), ou en bio dans les magasins Biocoop, Naturalia ou Nouveaux Robinson par exemple (productions de petites exploitations) plutôt que dans les grandes surfaces.

FAVORISER LA QUALITÉ ALIMENTAIRE ET VIVRE EN BONNE SANTÉ

Pourquoi ?

Produire en masse suppose l’utilisation d’engrais et de pesticides chimiques en agriculture conventionnelle, d’hormones et d’antibiotiques en élevage conventionnel.
Transformer pour obtenir des produits bon marché nécessite l’apport de matières pauvres en qualités nutritionnelles et parfois toxiques (huiles hydrogénées, émulsifiants, antioxydants…). Voir la recette de la tarte à la cerise industrielle de Lydia et Claude Bourguignon.
Transporter des fruits et légumes sur de longues distances impose des cueillettes avant maturité - et donc une pauvreté nutritionnelle-, ainsi que des traitements après récolte, chimiques ou par irradiation.
Or, tous ces additifs et traitements peuvent être néfastes pour la santé (voir "Faire de l'alimentation notre première médecine" ).

Comment ?

En privilégiant des denrées alimentaires issues d’une agriculture saine, respectueuse du sol (pas d’engrais, d’herbicides ni de pesticides chimiques), de l’environnement (gestion économique de l’eau), de la biodiversité et des animaux. Ce qu’exige l’agriculture biologique mais aussi l’agroécologie fortement attachée à la notion de proximité, de respect des saisons et de qualités nutritives.
En mangeant des fruits et des légumes de saison, produits localement donc et cueillis à maturité, dont on peut apprécier la fraîcheur et la saveur.

Quelques livres

- "Que mangerons-nous demain ?", Christian Rémésy, éd. Odile Jacob.

- "Consommer moins, consommer mieux", Serge Papin & Jean-Marie Pelt, éd. Autrement.

- "Manger local", Lionel Astruc & Cécile Cros, éd. Actes Sud, collec. Domaine du Possible