Contre le glyphosate (et tous les autres), mettons le turbo !
Oui, les jardiniers du dimanche peuvent parfaitement se passer de cette molécule au prix d’arrachages manuels des plantes indésirables. Ou en tolérer certaines qui ont quelques vertus : pour les pollinisateurs (pissenlits, légumineuses…), pour leurs valeurs médicinales (bardane, achillée, herbe-aux-goutteux, plantain…) ou comestibles (chénopode, pissenlit…). Les écologues ne se plaisent-ils pas d’ailleurs à nommer ces indésirables « des plantes qui n’ont pas encore trouver d’usage pour l’homme ou dans l’agrosystème »… ? Cet apprentissage à faire cohabiter cette diversité floristique, à trouver les équilibres entre ces plantes aux actions parfois antagonistes, fait après tout partie du bonheur de bien « potager ».
Des alternatives vivaces
Oui, les agriculteurs en permaculture ou en bio ont dû également rayer depuis toujours le glyphosate de leur boîte à outils, comme tous les autres pesticides chimiques interdits par le cahier des charges de l’AB. À leur place, ils usent d’abord d’huile de coude : des heures à arracher ces « mauvaises herbes » et à jouer de la binette, du sarcloir et du couteau-extirpateur… Un travail pénible, parfois sans fin !
Fort heureusement, les cultivateurs, bio ou pas, disposent de bien d’autres outils. On peut pratiquer un désherbage mécanique avec différents engins selon la météo, la nature du sol et les plantes à éliminer, en évitant de bouleverser la structure biophysique des sols. Sortez vos bineuses, houes rotatives et autres herses étrilles !
Si certains optent pour la voie thermique (à petit échelle) avec un gros chalumeau ou de la vapeur brûlante qui carbonisent ces indésirables, la technique de l’étouffement fait fureur. À toutes les échelles. Elle consiste à couvrir le rang qu’on vient de semer d’une bâche pour éviter la montée des « mauvaises herbes » (avant que ne germent les cultures). Ou à réaliser un paillage, voire à implanter bien avant de semer sa culture un couvert végétal, lequel empêchera normalement le développement des autres. Je dis normalement, car la technique ne réussit pas à tous les coups et contre toutes les adventices. En outre, le semis sous couvert que l’on pratiquera ensuite suppose un solide savoir-faire et les bons outils pour le réaliser.
Crédit : Patrick Lazic
Beaucoup pratiquent encore de faux semis : il s’agit de préparer une planche ou une parcelle de terrain comme pour un semis classique, sauf que là on ne sème rien… On attend juste que les graines de mauvaises herbes germent naturellement, ce qui demandent deux à trois semaines selon les températures. Et crac ! un coup de bineuse ou de herse étrille, et la messe est dite ! Enfin, pas toujours. Car cette technique n’a que peu d’effet sur les plantes vivaces dotées d'un système racinaire puissant, comme le liseron, le chiendent, le rumex ou encore le chardon.
Signalons enfin qu’une doctorante de l’Inra de Dijon a même trouvé que certains carabes – une belle famille de coléoptères – boulottent voracement des petites graines, souvent celles des plantes que l’agriculteur combat… Sympathique !
Peut mieux faire
Bref, les techniques alternatives à la chimie sont presque aussi variées que la diversité des « adventices » – l’appellation de ces indésirables dans le monde agricole. Et elles ont souvent prouvé leur efficacité selon les cultures, les sols et les climats. Leur limite aussi. Car selon le niveau d’invasion de ces indésirables, leur période d’invasion aussi, les alternatives n’ont pas l’efficacité immédiate d’un désherbant chimique comme le glyphosate (qui peut néanmoins se voir opposer des résistances et ne plus contrôler grand monde…). Dès lors, ces adventices, qui consomment également les nutriments du sol, auront un fort impact sur la production des cultures. Sans compter que si on les laisse s’installer, on aura bien du mal par la suite à contenir certaines ou les éliminer.
Les techniques alternatives de désherbage ont prouvé leur efficacité selon les cultures, les sols et les climats.
Bon, sur de petites surfaces, en bio ou en permaculture, on peut considérer que gérer ce problème des adventices sans chimie fait partie de la règle du jeu. Et que leur impact sur les productions et le surcroît de travail qu’elles occasionnent se répercutent sur les prix auquel se vendent ces produits.
Crédit : Patrick Lazic
Il reste tous les autres agriculteurs… Et ils sont les plus nombreux. Car 80 % environ des producteurs français ont encore recours à un herbicide chimique et peuvent traiter de vaste surface. Là encore, ne soyons pas simplistes : aucun agriculteur conventionnel aujourd’hui n’utilise que des désherbants chimiques. Ils n’ont pas attendu la controverse sur le glyphosate pour mettre en œuvre des moyens mécaniques – davantage pour réduire leurs coûts de production, au passage, que pour faire plaisir aux écolos et aux colibris !
Sonnons la mobilisation générale !
Il n’empêche, on l’a vu, ces méthodes alternatives ont leurs limites selon le système agricole. Et pour convaincre l’immense majorité des agriculteurs, il faut mieux les accompagner. Cela passe-t-il par reporter sine die la transition vers une agriculture plus écologique, comme le désire en fait le syndicat majoritaire chez les agriculteurs (FNSEA) ? Certainement pas. Ou par décider qu’on boutera seul le glyphosate hors des champs tricolores, comme l’annonce d’un coup de menton le président Macron ? Sans action concertée au niveau européen, de nombreux agriculteurs redoutent d’être exposés à une concurrence déloyale, en permettant l’importation de produits traités au glyphosate par nos voisins.
Pour convaincre l’immense majorité des agriculteurs aux méthodes alternatives à la chimie, il faut mieux les accompagner
Parions sur une politique résolue et cohérente, qui donne un signal fort à la fois au monde agricole et à l’Europe. Il faudra bien, pour cela, agir sur tous les fronts. Au plus tôt, par une réglementation européenne qui incite l’ensemble des agriculteurs du Vieux Continent à se passer des herbicides, y compris par des aides financières. Cela suppose de réorienter la PAC (politique agricole commune). Si le gouvernement décide de montrer la voie, en anticipant de deux ans cette interdiction du glyphosate, alors qu’il en donne les moyens aux producteurs. Y compris par des compensations financières. Est-il prêt à cela ? Qu’il mobilise aussi davantage la recherche. Améliorer et adapter ces alternatives au glyphosate (et aux pesticides en général), initier de nouvelles approches agroécologiques, voire numériques et robotiques, en lien direct avec les producteurs : cela doit clairement devenir une priorité pour les instituts publics comme les chambres d’agriculture. Et tous les agriculteurs doivent pouvoir se mobiliser à leur côté, ne serait-ce qu’en testant diverses méthodes et en faisant remonter leurs expériences.
Oui, il y a urgence ! Car si aujourd’hui on a mis sur la sellette le glyphosate cancérigène et les néonicotinoïdes tueurs d’abeilles, il reste tous les autres… En particulier les fongicides, ces pesticides destinés à lutter contre les maladies à champignon, qui posent aussi des problèmes sanitaires et écologiques. Or, contre eux, les alternatives à la chimie, efficaces et sûres, sont quasi nulles. Alors même que cette vaste famille de pesticides est, devant les herbicides, la plus répandue en France ! Alors, on met le turbo ?
Pour aller + loin
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- "Traiter bio en 10 leçons et 3 coups de pschitt", de Philippe Asseray, illustré par Michel Sinier. Un livre qui va à l'essentiel, pour maintenir son jardin en bonne santé, sans effectuer de traitement chimique.
- "Permaculture, créer un mode de vie durable", de Gilles Véret. Un regard pointu, mais accessible, sur la permaculture et son éthique. Des actions citoyennes concrètes à mener, chacun à son échelle.
Crédit photo chapô : Chafer Machinery
Commentaires
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la onda del COLIBRI
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Bonjour, de Colombie, ici le gouvernement a décidé d'abandonner les fumigations avec ce POISON! CANCERIGENO!: GLIFOSATO-, bien que les Etats-Unis les pressent de plus en plus de les relancer et qu'ils ne manquent pas les affaires du COCA, sacrément aveuglement politique! Damn you EVIL !!!, merci pour ce beau travail, une autre voix qui pulvérise le FEU HUMAIN, avec l'espoir d'une graine et le POUVOIR du COLIBRI. Salutations en particulier à ce COLIBR-Í. GEFFROY et son ZAZ CLUB, cool Raúl, la santé et PURA VIDA !!!
MAIS POURQUOI TOUJOURS S'ACHARNER au travail i-nu-ti-le???
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MAIS POURQUOI TOUJOURS s'acharner à se casser le dos à vouloir désherber?! Même, et surtout, en bio!
Engrais verts entre deux cultures semés à la volée et semis direct! Point!
La moindre "mauvaise herbe" a son rôle dans l'équilibre du sol et de la nature! Avant l'homo-sapiens, il n'y avait pas de désherbeurs!
Les limaces: nourriture d'hérissons, merles, grives, carabes... Surtout pas de granulés!
Seul sur 1000 m2, dans une terre argilo-calcaire, à Amiens. Je sème et plante au printemps. Puis, récoltes à profusion. Je passe juste la tondeuse sur les allées.
C'EST TOUT!
Le reste du temps, j'accueille mes voisins-jardiniers harassés et éreintés autour d'une tasse (ou plus!) de café!