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La gouvernance partagée naissante de l’Archipel de Kembs

C’est un petit groupe de bénévoles ancré et dynamique qui est au cœur de l’Archipel de Kembs. Un tel projet nécessite du temps et de l’implication de la part du collectif, cependant, toutes et tous ne peuvent pas le faire dans les mêmes proportions. Ce contexte peut créer des déséquilibres entre les personnes au cœur du projet, et faire obstacle à la pérennité du travail collectif. Même si on peut penser que la motivation et l’implication seules permettent à un projet de se pérenniser, il est aussi important de savoir prendre soin du collectif, que chacun·e puisse trouver sa place en fonction de son rythme et ses disponibilités. Et cela nécessite d’y consacrer du temps ! Mais alors comment combiner dynamique du projet et travail collectif, afin de ne pas perdre celles et ceux qui ne peuvent s’impliquer avec la même intensité ? 

Le programme Territoires d’Expérimentations (TE) est un projet pilote initié par le Mouvement Colibris, ayant pour intention d’accompagner les acteurs de territoires (habitant·es, élu·es, agent·es, entreprises...) dans une transition écologique, sociale et démocratique. La démarche consiste à amplifier les dynamiques à l’œuvre, faciliter la coopération et le passage à l’action collectif.

Territoires d’Expérimentations est mené en partenariat avec une dizaine d’organisations nationales, dont le Collectif pour une Transition Citoyenne (CTC), ATD Quart-Monde, Emmaüs, l'Avise, Villes en Transition France, Terre de liens, Fréquence Commune, Démocratie Ouverte. Elles mettent en commun leurs expertises, leurs compétences et leurs réseaux au service des territoires accompagnés.

Cette expérimentation débute sur trois territoires : Kembs (Haut-Rhin), Pays d’Uzès (Gard) et le Nord de l’Essonne.

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C’est notamment à cette question que le collectif a souhaité répondre les 31 mars et 1er avril dernier. L’objectif de cette rencontre était de rassembler les différentes parties prenantes du projet, que chacune d’elles présente ce qui a été accompli l’année passée, mais aussi les enjeux et objectifs pour l’année à venir, afin que chacun·e ait une vision globale.

C’est quoi l’Archipel de Kembs ?

L’Archipel de Kembs est le projet de tiers-lieu de cette petite commune du Haut-Rhin. Un véritable écosystème qui s’est constitué au fil des années, agrégeant des volontés et des actions autour de la sensibilisation à l’environnement, de la production, de la distribution alimentaire, et de l’éducation. Il est aujourd’hui composé de l'association G’Rhin de sel, du Groupement d'achats solidaire du pays rhénan (GASPR), du groupe local Colibris et de l’école alternative Tzama. De la fusion de ces volontés et grâce au soutien de la municipalité, une ferme municipale est née, gérée par Julien, premier salarié de l’Archipel, depuis janvier 2022.

Entre moutons et cigognes, se tiennent les trois yourtes — bientôt quatre ! — de l’école alternative Tzama. C’est dans un cadre convivial et champêtre que se sont réunis l’association G’rhin de sel, le groupe local Colibris, le GASPR (Groupement d’Achat Solidaire du Pays Rhénan), l’école alternative Tzama, mais aussi les écoles publiques de Kembs, Julien le maraîcher et même des élus. La réunion en soirée a débuté avec un tour de table rétrospectif sur ce qui a été accompli l’année passée par chacune des structures. Cela a permis au collectif de rappeler à tous et à toutes les missions et objectifs de l’Archipel et des structures qui constituent ses « îlots » interconnectés.

La quête d’autonomie alimentaire du territoire au cœur du projet

La raison d’être de l’Archipel de Kembs est de permettre au territoire de la petite ville de gagner en autonomie alimentaire, de préserver la biodiversité, et d’ancrer la connexion à la nature dans la vie de ses habitant·es. Ces grandes missions se déclinent dans chacune des structures de différentes manières. Au sein de l’école alternative Tzama et des écoles de Kembs, c’est par le volet de l’éducation à et par la nature que les enfants passent jusqu’à la moitié de leur temps entre forêt, jardin et ferme. De cette façon, les enfants peuvent prendre part à la culture des aliments qu’ils trouveront plus tard dans leur assiette. Comme le dit Julien le maraîcher, les enfants découvrent ce qui se passe « de la fourche à la fourchette ».

Forme juridique et financements, des aspects essentiels mais complexes

Aujourd’hui, c’est la question de la forme juridique que pourrait prendre l’Archipel qui se pose. Cette organisation étant assez inédite, il n’y a pas de véritable exemple sur lequel le collectif pourrait se baser pour étudier quelle forme juridique serait la plus adaptée à leur réalité et leurs objectifs. La piste d’une SCIC (société coopérative d'intérêt collectif) a été étudié, néanmoins cette forme juridique pose certaines contraintes, ce qui a mené le collectif à écarter cette piste pour le moment.

En effet, ce n’est pas simple, à cette question de forme juridique s’entremêle celle du financement. La forme juridique d’un projet induit des financements potentiels et d’autres auquel on ferme la porte. Il s’agit donc de bien étudier les différentes pistes possibles avant de faire un choix. Un financement permettrait par exemple de concrétiser la mise en place d'une cuisine pédagogique, afin que les enfants puissent cuisiner les aliments qu’ils auraient fait pousser. Du soutien, l’Archipel en bénéficie particulièrement par la mairie de Kembs qui s’implique sur le volet financier, mais également par le prêt de matériel ou de locaux. La mairie est un acteur essentiel à la pérennité du projet.


Une gouvernance partagée au service du travail collectif

Poursuivant la présentation de l’actualité des différents « îlots » de l’Archipel, Brice Laloy, bénévole et élu de Kembs, saisit l’opportunité de ce beau rassemblement pour annoncer la nouvelle : un terrain à côté de l’école Tzama est mis à disposition pour quatre ans par l’entreprise EDF locale « pour y planter des enfants et des légumes » !

Au sein de ce collectif, les idées fusent et les actions ne tardent pas à les suivre. Mais le groupe a une volonté de structurer et solidifier davantage les interconnexions entre les « îlots » afin de permettre une meilleure coopération entre eux. L’Archipel de Kembs s’épanouit progressivement mais il a également vocation à s’ouvrir davantage à l’extérieur et à se professionnaliser.

Cependant, c’est bénévolement que les habitant·es de Kembs s’investissent dans les structures de l’Archipel, nombreux ont plusieurs casquettes. Julia et Brice, au cœur du projet, font jusqu’à un équivalent temps plein de bénévolat. C’est pourquoi toutes et tous sont d’accord sur le besoin de recruter un·e coordinateur·rice, tant pour soulager ceux qui sont au cœur du projet que pour maintenir une vision globale. Son rôle serait alors de faire le lien entre les structures, communiquer sur le projet, rechercher des financements et des potentiels partenaires. Il ou elle pourrait par exemple mettre en place une meilleure coordination entre les envies des écoles sur le volet pédagogique et la réalité du terrain pour le maraîcher.

S’ouvrir à d’autres publics

Le collectif souhaite également travailler sur l’aspect de sécurité alimentaire et de solidarité. Les clients du GASPR sont jusqu’ici plutôt des habitant·es « privilégié·es ». L’objectif est de mener des actions plus solidaires, dans la lignée de ce que fait déjà le groupement d’achat, depuis quelques années, avec la distribution de quelques paniers gratuits à des foyers modestes. Le collectif a aussi pour objectif de s’ouvrir davantage à l’extérieur, non seulement auprès des personnes convaincues, mais aussi auprès de personnes qui ne le sont pas. C’est dans ce cadre qu’ils sont allés à la rencontre d’une agricultrice à Kembs qui pratique à ce jour une agriculture conventionnelle. Des membres du collectif sont allés la rencontrer, parler de la démarche de l’Archipel et de leur volonté de développer la résilience du territoire par le développement de l’agriculture bio et locale. Cette rencontra a été une belle réussite : l’agricultrice va mettre à disposition de Julien, le maraîcher, un demi hectare de prairie.

Par ailleurs, c’est également le volet essaimage que le collectif souhaite développer, transmettre leur quotidien, leurs pratiques. L’Archipel est un projet novateur, il est donc de l’intérêt de tous qu’il soit capitalisé et partagé. Afin de rendre plus visible et accessible l’Archipel, un site internet est à ce jour en cours de création. L’idée serait également que les institutrices participent à la création de fiches tests d’animation à la nature, pour les rendre accessibles à d’autres instituteur-rices qui souhaiteraient découvrir de nouvelles formes de pédagogie.

Le lendemain, à l’aide d’une synthèse des nombreux éléments partagés par le collectif, Marie-Hélène, coordinatrice accompagnement à la transition au sein du Mouvement Colibris, propose des ateliers d’intelligence collective au service d’une meilleure coopération du collectif. Le groupe a alors pu co-élaborer la feuille de route 2023-2024 et partager les contraintes qu’ils peuvent rencontrer au cours de l’année. Par exemple, Julien le maraîcher a expliqué que le volume horaire de travail nécessaire évolue selon les périodes de l’année — intense au printemps, plus calme en été, puis une reprise en septembre, à l’instar des écoles et du GASPR.


Après la création de cette frise 2023-2024, Marie-Hélène propose au collectif d’adopter une nouvelle façon se s’organiser, en dessinant avec le collectif le schéma adapté à leur stratégie.

Vers une gouvernance partagée

D’après l’Avise, « la gouvernance partagée repose sur la volonté de privilégier les relations de coopération au sein de l’organisation et le souhait de développer l’autonomie des membres. Dans les organisations qui s’inscrivent sur ce chemin, les principes de participation, de collaboration et de transparence ne viennent pas seulement “améliorer” la gouvernance, ils la structurent. »

Ce mode de gouvernance a pour objectif de faciliter le partage des tâches, la cohérence de l’Archipel et son efficacité. Pour cela, c’est par cercles missions que le groupe se structure. Ces cercles réuniront différentes personnes qui auront pour rôle de travailler sur une thématique par exemple le cercle pédagogie, un référent parmi eux fera également parti du cercle de pilotage. Ce cercle de pilotage rassemble les référent·es de chacun des autres cercles et vise à coordonner le projet.

Instaurer cette nouvelle pratique demande plus de temps de réunions, pour du partage et de la réflexion. Ce qui pose question à ce groupe de bénévoles très occupé... Tout comme la forme juridique, le mode de gouvernance doit s’adapter au projet pour répondre à ses besoins et à ses objectifs.

C’est donc par la pratique qu’ils feront évoluer cette gouvernance à leur réalité !


Pour en savoir plus

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Choisir la forme juridique adaptée à son projet, Avise, 2022.

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