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Julien Perrot : l'homme et la salamandre

Il y a 35 ans paraissait le premier numéro de « La Salamandre ». Aujourd’hui déclinée pour tous les âges et augmentée de livres, documentaires et rencontres, la revue continue de nous émerveiller en racontant la nature qui se trouve sur le pas de notre porte. Biologiste de formation et passionné de nature, Julien Perrot revient sur ce qui l’a poussé à imaginer, fonder et perpétuer cette aventure unique dans le monde du journalisme.



- J’ai entendu dire que "La Salamandre" était née dans la chambre d’un petit garçon…

Tout à fait ! À vrai dire, la revue a démarré en 1983. J’avais 11 ans, j’habitais dans la campagne Suisse. Un soir, alors que je me baladais dans la forêt avec des bottes en plastique, un ciré et une lampe de poche pour chercher des bestioles par terre, je suis tombé sur un dinosaure en plastique jaune et noir. Plus communément appelé salamandre. J’ai trouvé cet animal tout simplement fabuleux. Comme à l’époque, j’avais envie de créer un journal, j’ai voulu qu’il s’inscrive sous le patronage de cette bête rencontrée sur les bords du Lac Léman.

Dans ce petit journal, j’ai commencé à raconter mes observations de plantes, d’oiseaux, d’insectes... tout ce que je voyais autour de moi. J’y mettais beaucoup de cœur. C’était aussi un moyen de défendre cette nature que je voyais être progressivement détruite.

De nombreux évènements et parutions spéciales sont prévues pour fêter les 35 ans de "La Salamandre" 

- Aujourd’hui, le petit garçon est un homme et "La Salamandre" compte 65 000 abonnés 

Et oui ! Après mes études, ce passe-temps est devenu un vrai métier. Mais l’objectif est resté le même : faire découvrir et aimer la nature qui nous entoure, se rendre compte combien le vivant, tout simple, peut enchanter notre quotidien. 

La Salamandre en quelques chiffres :

* revues : La Salamandre pour adultes, la Salamandre Junior (pour les enfants 8 – 12 ans), la Petite Salamandre (pour les enfants de 4 - 7 ans) ;
* 65 000 abonnés au total dont la moitié en France ;
* Environ 10 000 visiteurs au festival Salamandre chaque année en Suisse fin octobre ;
* Production de 3 documentaires animaliers chaque année ;
* Environ 15 livres chaque année : guides, beaux livres, activités nature à faire avec des enfants
* plateforme avec des propositions d’activité pour les enseignants

 "Quand j'ai lancé ce petit journal à l'âge de 11 ans, je racontais tout ce que je voyais autour de moi pour partager ma fascination pour la nature"

- Est-ce que vous vous définiriez comme militant ?

Dans la mesure où nous remettons la valeur du respect de la vie au centre, oui. Mais on est davantage dans une logique d’éveil et d’émerveillement que de plaidoyer.  

Par ailleurs, on peut dire que nous avons une certaine pratique militante dans l’exercice de notre métier. Nous sommes une entreprise à but non lucratif - un statut suisse particulier, qui n’existe pas en France. Cela suppose que tout le bénéfice, s’il y en a un, soit réinvesti dans le projet.

Et puis, on cultive une constante préoccupation de publier une revue papier en étant le moins maltraitant possible à l’égard de notre planète et des hommes. Nous sommes par exemple fiers d’avoir fait le choix d’une absence totale de publicité. Un moyen de respecter nos lecteurs, de proposer une forme de pureté visuelle et de garantir notre indépendance. Nous avons aussi fait le choix imprimeur engagé, situé dans le Doubs, que nous connaissons depuis des années, Simon Graphic.

Exposition au festival Salamandre - crédit photo : Yann André

- Lire La Salamandre, c’est avoir l’impression que même les petits bouts de nature les plus anodins sont extraordinaires

Quand on est gamin, on voit une fourmi, une primevère, une feuille de chêne et cela suffit pour nous extasier. Et puis on grandit et tout cela perd de son importance. On ne prend plus la peine de regarder la nature, si ce n’est ses éléments lointains et spectaculaires comme les animaux de la savane – accessibles uniquement en avion ! Nous voulons retrouver l’enchantement quotidien, à toutes les saisons, même en ville, face à des éléments naturels étonnants, beaux et complexes.

Pour cela, on ne partage pas que des connaissances scientifiques mais on fait appel aux émotions, aux images, aux récits…

""La Salamandre" est davantage dans une logique d'éveil et d'émerveillement que de plaidoyer."

- Pourquoi s’émerveiller ?

Parce que c’est trop bon de redevenir un enfant ! Mais aussi car c’est un moyen de se rappeler que la nature est le socle de notre existence - elle nous permet, à tout instant, de respirer, boire, manger… De se rappeler aussi et surtout que cette nature a le droit d’exister sans nous être utile. Or il est fondamental de faire évoluer notre comportement vers une meilleure protection du vivant, de lui laisser l’espace d’exister et de se déployer sans être toujours menacé.Contes racontés aux enfants pendant le Festival Salamandre- crédit photo : Nicolas de Nisco 

- Quel lien entretenez-vous avec la nature ?

Elle m’apporte des émotions fortes, de la sérénité et me fait grandir. Le monde urbain est un monde agressif ; on y survit dans un tourbillon d’urgence et de pollutions de toutes sortes. Un petit coin de forêt, les rayons du soleil à travers les arbres, les feuilles tombées, l’humidité d’une saison… me permettent de me reconnecter aux choses essentielles. Et puis, la petite chouette qui mène sa vie dans forêt m’apprend tant de choses sur elle et sur moi !

  "Connaître et aimer la nature nous permet de nous rappeler qu'elle a le droit d’exister sans nous être utile."

Vous savez, j’ai vu naître des bébés salamandre. J’ai aussi vu naître mes trois enfants. Ce qui m’a frappé c’est de découvrir combien un enfant qui ne parle pas encore est comme un petit animal sauvage. Il a un regard d’une prodigieuse intensité. Ce qui se passe dans sa tête derrière ses deux yeux, est un grand mystère. Le même mystère que celui qui se trouve derrière les deux yeux d’un renard. Ça ne passe pas par la parole ou la raison, c’est très émouvant.

Quand un enfant commence à  parler, le sauvage s’estompe un peu, la communication propre à l’être humain s’étoffe, la belle dimension culturelle s’épaissit, et la part brute s’évapore. Je crois que mon lien avec la nature me permet aussi de me reconnecter à cette part sauvage originelle qui est la mienne. Je fais partie intégrante de la nature et ça n’est ni un choix idéologique ni un caprice. C’est une réalité.

 Le Coin Curieux au Festival Salamandre - crédit photo : Carlo de Rosa

- Êtes-vous inquiet pour l’avenir ?

Je suis de nature optimiste. Donc oui, je suis inquiet.  Une mouche, un papillon, une fauvette, vous-même êtes tous sur la même planète. Sur ce petit bateau bleu posé dans l’infini et que nous sommes en train de se détruire. Enfin, quand l’angoisse monte trop, je pars en forêt ou en montagne.

- Quelle place faîtes-vous à une éventuelle forme de spiritualité ?

Moi, mon Église, c’est la forêt. Il y a une part de sacré dans toute la vie qui nous entoure et je le ressens très fortement. Mais je n’aime pas le terme d’animisme, souvent péjoratif quand il est contemplé depuis une culture chrétienne monothéiste.

- Et pour finir… une plante ou un animal que vous aimez particulièrement ?

Un de mes vieux amis est le mélèze. 

En Suisse on n’est pas gâtés niveau mer. Alors quand on a besoin de nature sauvage, on va en montagne. Où on trouve souvent des mélèzes. J’en connais de très vieux et très beaux qui m’apportent beaucoup depuis des années…



Chaque mercredi, Julien Perrot  donne rendez-vous dans La Minute Nature. Des vidéos pour découvrir  une nature toute proche et pourtant totalement insolite.



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