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Chronique "Vite ! Je ralentis" #3

Quand les mots se jouent de nous


Après avoir été danseuse, journaliste, assistante de Pierre Rabhi puis directrice de Terre & Humanisme, Nelly Pons se consacre aujourd’hui à l’écriture. Elle est l’auteure de Débuter son potager en permaculture (Actes Sud – Kaizen, 2017) et de Choisir de ralentir (Actes Sud – Kaizen, septembre 2017). Dans cette chronique, elle explore cette notion et ce besoin du ralentissement, la façon de s’y prendre.




9 janvier 2018. Ce midi sur France Culture, il était question de réduire notre vitesse sur les routes de 90 à 80km/h, au grand désarroi de nous autres automobilistes. Car comme le dit Bruno Marzloff, sociologue invité spécialisé dans les enjeux de la mobilité : « la vitesse est devenue une valeur de notre société moderne » et fait, d’une certaine manière, « partie de notre ADN social ». Alors, accros à la vitesse nous serions ? Accros nous resterions ? Allons voir ce qu’en dit le dictionnaire.

VITESSE n.f. Action ou capacité de parcourir une grande distance, d’accomplir une tâche en peu de temps. LENTEUR n.f. Manque de rapidité dans les mouvements, de vivacité dans la pensée : Sa lenteur est exaspérante. Nous y voilà. Quand nous projetons sur la vitesse une capacité, un plus, quelque chose de valorisant, nous percevons la lenteur comme un manque, une incapacité. Pas étonnant que cela ne séduise que peu de monde... La lenteur, cette tare, cette indésirable qui nous atteint jusque dans notre pensée, à en devenir exaspérante. Dans ce contexte, choisir de ralentir relève du courage, ou de la folie, au choix. Celui et celle d’assumer sa différence, de se frayer un chemin, à sa manière, dans la pensée dominante, d’oser choisir sa vie sans se soucier du qu’en dira-t-on.

Pourtant le mot lenteur dérive du latin lentor, qui  signifie « flexibilité, souplesse, viscosité ». Comment passe-t-on donc de la souplesse au manque de vivacité ? Tel le roseau de La Fontaine qui, se courbant simplement sous la force du vent, observe le grand chêne lui céder, la lenteur ne serait-elle pas plutôt ce qui nous permettrait de ne pas craquer ? Un subtil dosage, une belle capacité d’adaptation qui nous permette de durer ? Car souplesse n’est pas mollesse, pas plus que flexibilité ne s’oppose à vivacité. Et ralentir, ce n’est pas être au ralenti. 

Ralentir, c’est être avec le temps, plutôt que « de son temps ». C’est un art. Celui de prendre son temps, d’habiter l’instant et de s’en émerveiller. Se délecter de cette succession d’instants présents, durant lesquels nous pouvons choisir de sentir la brise sur notre visage, la puissance du soleil qui nous réchauffe ou la douce présence de ceux que l’on aime. Pour que notre présent ne soit pas « un morceau d’avenir qui se mue aussitôt en passé », osons ralentir. Adoptons notre propre cadence, libre,  éclairée. Un subtil mélange de vitesse et de lenteur, adapté à chaque situation, qui nous permette de rester centrés sur l’essentiel. Sur ce qui nous importe. Vraiment. Une qualité de présence, cette confiance. Celle d’être en vie. Et de le sentir, intensément. 

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