Découvrez le MOOC (R)évolutions Locales pour s'engager collectivement sur son territoire
Recevoir des infos
Le MagDes idées pour construire demain
Mode d'emploi

La SEZU en Uzège, une monnaie en soutien aux initiatives locales


Les groupes locaux Colibris du Gard ont organisé en 2017 un forum ouvert sur l’économie et les monnaies locales. Cette rencontre, ainsi qu’un questionnaire en ligne début 2018, ont révélé une forte adhésion des citoyens et des acteurs du territoire pour un projet de création d’une monnaie locale en Uzège. C’est en mars 2018 que l’association Monnaie Locale Uzège est créée, pour mobiliser plus largement toutes les parties prenantes du territoire. Et en mars 2019, les premiers  "SEZU" (Uzès à l’envers) sont mis en circulation !
Voulue en premier lieu comme un instrument de soutien aux initiatives locales, cette monnaie est aussi un outil pédagogique et un moyen de ramener dans le débat le sujet de l’économie locale et du rôle de la monnaie.
Entretien avec Zaccharie Dhennin, co-fondateur de la SEZU à Uzès.



Comment se définit une monnaie locale ?

Légalement, une monnaie locale complémentaire et citoyenne n’est pas vraiment une monnaie. C’est un moyen d’échange, de paiement, un peu comme le chèque resto ou vacances. Cela reste de l’euro : elle n’a de valeur que parce que les SEZU sont obtenus en échangeant des euros (1 SEZU = 1 euro), et les SEZU en circulation sont intégralement couverts par un fonds de garantie en euros. Elle ne peut donc exister qu’en complément de l’euro, contrairement à une monnaie alternative ou libre qui peut être créée librement, sans opération de change.
En outre, elle circule sur une petite zone, un territoire limité par le réseau des utilisateurs et des prestataires.
Et elle est citoyenne parce que, légalement, c’est un outil de l’économie sociale et solidaire : une entité à but non lucratif et gérée démocratiquement, comme une association.

Quel est l'intérêt d’une monnaie locale ?

Une monnaie locale est un moyen de paiement qui ne conserve qu'une seule des trois fonctions de la monnaie : ce n’est pas une réserve de valeur, ni un moyen de spéculation. Elle a donc pour unique vocation de circuler, et uniquement pour des achats locaux. Nous sommes donc sûrs que cette monnaie va être réutilisée localement par les personnes à qui on la donne : commerçants, artisans, associations, entreprises, etc.
C’est un cercle vertueux dans l’économie locale. L’objectif premier est de promouvoir un changement d'échelle dans la “consommation responsable”, et de fédérer les volontés individuelles de consommer localement, dans une dynamique collective de relocalisation de l’économie.

"Une monnaie locale ne conserve qu'une seule des trois fonctions de la monnaie : ce n’est pas une réserve de valeur, ni un moyen de spéculation. Elle a pour unique vocation de circuler."

Quelle est la spécificité de la SEZU ?

L’objectif particulier de la SEZU est d’avoir une monnaie ouverte à tous les acteurs de l’économie locale. Vient ensuite la question de choisir ce que nous voulons servir en priorité. Nous ne sommes pas des idéologues, ce qui compte pour nous, c’est la capacité à réinjecter dans l’économie locale les SEZU reçus en paiement. Par exemple, un Carrefour Market indépendant, qui se fournit localement, fait partie intégrante de l’économie de proximité. Alors que pour un supermarché franchisé cela ne serait envisageable qu’à certaines conditions.
De plus, nous avons décidé, démocratiquement toujours, que la SEZU devait soutenir les initiatives locales en mobilisant le fonds de garantie bancaire et notre fonds associatif pour soutenir les initiatives locales, en créant un dispositif innovant de micro-prêts à taux zéro.

"Nous ne sommes pas des idéologues. Un Carrefour Market indépendant, qui se fournit localement, fait partie intégrante de l’économie de proximité."

Quel est l'impact de votre projet localement ?

Nous ne sommes pas capables d’évaluer l’impact quantitatif. Il n'y a que 12 000 SEZU en circulation. Au-delà de l'intention de relocaliser l’économie, nous voyons avant tout le projet comme un outil pédagogique, qui permet de remettre la question de l’économie dans le débat, de mieux comprendre l’intérêt d’une monnaie locale, et de passer d’une démarche personnelle de consommation locale à une dynamique collective de dynamisation de l’économie locale.
Il est important que cela implique tout le monde, pour que ça devienne un sujet de société. Qu’est-ce que c’est l’économie locale d’un territoire et comment on la favorise ? On voit l'intérêt en ce moment dans le contexte de la crise du Covid.
La monnaie locale s'inscrit dans ce débat-là. Il est attendu de nous qu’on dise ce que peut apporter la monnaie locale à cet endroit, c’est-à-dire, comment s‘adapter à cette nouvelle donne.

"Qu’est-ce que c’est l’économie locale d’un territoire et comment on la favorise ? On voit l'intérêt en ce moment dans le contexte de la crise du Covid."

Quelle suite, quelles perspectives pour ce projet ?

Nous avons le souhait de mutualiser nos outils avec d’autres associations et collectifs. Nous aimerions amener un vrai débat avec les acteurs de la monnaie locale, les institutions, inscrire cette monnaie dans des réseaux existants : groupements d’achat, associations de commerçants, tiers-lieu local... et promouvoir la coopération. Au-delà de convaincre individuellement, essayer de faire ensemble ce qui peut être mis en commun, plutôt que de le faire chacun dans son coin.
Aussi nous sommes engagés sur plusieurs choses :
- impliquer les établissements scolaires autour des thèmes comme la monnaie locale, l’écologie et la biodiversité, en lien avec la réserve de biosphère des gorges du Gardon,
- aller plus loin dans le projet de microcrédit : pour l’instant nous avons 2000 € à disposition pour réaliser une initiative pilote dans le cadre d’un projet cofinancé par le fonds européen Leader,
- continuer à faire de la sensibilisation au sens large sur le thème de la monnaie,
- et enfin aller vers une dématérialisation pour faciliter les échanges entre partenaires. C’est un projet que nous travaillons avec nos voisins du Krôcô, la monnaie locale nîmoise, et une quinzaine d’autres monnaies locales en France.

Rencontrez- vous des difficultés, et des pistes pour y répondre ?

Cela fait deux ans que la monnaie est en circulation et il n’y a pas encore de réelle appropriation de la SEZU par les habitants du territoire. Certains commerçants n’en ont jamais vu la couleur, alors que d’autres en ont qui dorment dans leur tiroir-caisse.
Nous nous interrogeons sur nos méthodes : comment dynamiser la circulation de cette monnaie ? Nous avons du mal à envisager la possibilité d’atteindre un seuil minimal pour être efficace.
À d’autres endroits, comme au Pays Basque et à Toulouse, les collectivités locales sont parties prenantes, ce qui permet d’avoir des moyens d’expérimentation, des moyens humains. Quand les mairies s’en mêlent, c’est beaucoup plus simple !
En France nous avons du mal à imposer les monnaies locales comme outil de transition. La loi française est très contraignante pour valoriser des choses qui n’ont pas de valeur marchande.
C’est vrai qu’au démarrage nous avions beaucoup d’ambitions, mais finalement la dimension technique du projet nous prend beaucoup de temps, et nous ne pouvons malheureusement pas en consacrer suffisamment à la partie éthique et à l’évaluation d’impact qui nous tiennent à cœur. Avec le microcrédit on espère dépasser cette première phase de lancement, et nous revenons à nos ambitions de départ.
Nous aimerions impliquer davantage nos membres et cela représente beaucoup de travail. Plus nous serons nombreux et plus nous serons efficaces ! D'ailleurs, nous envisageons de créer un emploi partagé avec d’autres associations. Cela irait dans le sens de la mutualisation et de la coopération qui sont aussi des axes forts dans nos ambitions.

Pour aller plus loin

- Le site de la SEZU 
- Page Facebook de la SEZU 
- Parcours "Créer une monnaie locale", à l'Université des Colibris.

Commentaires

Cet article vous a donné envie de réagir ?

Laissez un commentaire !