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Chronique "L’Effet Valentine" #2

Reculer pour mieux sauter ?

Ingénieure agronome de formation, Clémentine Lebon a co-écrit avec Olivier Le Naire Le Revenu de base, paru début 2017. Elle a depuis acheté avec son mari, Valérian, une longère en pierre qu’ils rénovent pour pouvoir y vivre, produire leur nourriture et proposer des animations sur l’agriculture et l’alimentation. C’est le "Projet Valentine", dont elle va nous conter l’aventure en marchant…



Maintenant que nous nous connaissons un peu mieux, enfin, que vous me connaissez un peu mieux, je vous propose d’entrer dans le vif du sujet. Oui, j’ai décidé de changer de voie, mais concrètement, on s'y prend comment ? Par quoi on commence face à cette nouvelle montagne ? Un peu vertigineux...

En juin 2016, quand j’ai quitté mon boulot, je n’en étais pas beaucoup plus loin que ce que vous avez pu lire dans la précédente chronique. Mais j’étais bien décidée à clarifier tout cela et à avancer rapidement. L’objectif initial : deux ans pour définir mon projet et lancer mon activité, ma ferme, mon entreprise, mon asso, ma SCOP[1] - enfin quelque chose quoi ! J’ai débuté toute seule, derrière mon ordinateur dans mon nouvel appartement avec vue sur un petit étang, et je me suis aperçue que mes idées étaient finalement assez claires : en posant tout cela sur le papier, j’ai vite vu ce qui était de l’ordre du fantasme et ce qui était plus réaliste pour moi, s’il fallait s’attaquer à un vrai projet professionnel. L’idée de monter une ferme de production par exemple… n’a pas duré longtemps ! Je ne me voyais pas maraîchère, et encore moins éleveuse à temps plein, ni même à mi-temps à vrai dire. Je me suis donc mise à lister non plus des activités idéalisées, mais des activités en cohérence avec ma personnalité. Et quand on décide vraiment d’être honnête avec soi-même, ça va assez vite. 

Clémentine Lebon à l'oeuvre sur son terrain

Au bout d’une semaine j’avais mon concept, avec les principaux éléments :

-        Développer un lieu de vie et de travail près de Vannes ;

-        Un lieu écologique, sobre et beau ;

-        Pour produire de quoi nous nourrir ; 

-        Utiliser ce support pour proposer des cours de cuisine ;

-        Proposer des animations sur l’agriculture durable (notamment permaculture, …) ;

-        Éventuellement développer des animations avec des écoles :

-        Proposer des chambres d’hôtes.

Sauf qu’une fois là, j’étais incapable d’aller plus loin ! Je sentais bien que ces quelques idées n’étaient pas suffisantes pour me lancer et monter mon activité. Et en même temps je ne savais pas où aller, par quel bout prendre la chose. Bien sûr, Valérian, mon conjoint, était toujours là pour discuter de tout cela, mais il était catégorique : pour l’instant, il voulait conserver son travail salarié. Donc me soutenir oui, mais développer complètement le projet avec moi, pas tout de suite. J’ai vite compris que je n’arriverais à rien seule, que j’avais besoin d’un cadre de réflexion, d’un accompagnement, mais surtout d’un environnement stimulant intellectuellement : mon appartement devenait trop étroit. J’en étais là de mes réflexions quand en octobre 2016 la Région Bretagne a lancé dans le Morbihan son programme CREOPSS (Création Reprise d’Entreprise Option économie Sociale et Solidaire). Une formation gratuite de cinq mois à temps plein ouverte à douze stagiaires par département permettant de nous accompagner concrètement dans le développement d’un projet de création d’entreprise. Exactement ce que je cherchais !

Pot de départ de la formation CREOPSS

Le 28 janvier j’étais à pied d’œuvre, motivée pour faire tous les jours l’aller-retour jusqu’à Lorient jusqu’à fin juin. Se lever à 6h30 du matin, retourner à l’école, se plier au cadre administratif de la région, travailler le soir et les week-ends à la maison… on ne peut pas dire que ces cinq mois aient toujours été une partie de plaisir ! Mais je suis ressortie de là avec 60 pages d’analyse de territoire, d’enquêtes sociologiques, de plans de financement et d’études de marché qui m’ont permis d’y voir plus clair. L’occasion de formuler une idée simple, mais importante : ma première motivation pour monter ce projet est de créer un lieu convivial, plein de bonne humeur, qui fasse rêver. Le jardinage et la cuisine sont des prétextes pour inciter les gens qui viennent à réfléchir à une autre vie, à oser s’imaginer sortir de leurs cadres. Cette étude m’a aussi aidé à affiner mon offre - notamment le format de mes cours de cuisine -, à choisir mon territoire - c’est grâce à cela que nous avons acheté notre ruine près de Questembert ! -, à comprendre l’importance des stages de permaculture dans mon modèle économique - et paf, en septembre j’ai suivi une formation diplômante à la permaculture !, mais surtout, surtout, j’ai compris que mon projet ne se ferait pas en un jour tant d’un point de vue économique que social.

Si on résume, le mot clé est le suivant : « prends le temps » ! Prends le temps de connaître ton territoire, de connaître tes voisins, de te faire connaître et reconnaître. Prends le temps de retaper ta maison. Prends le temps de trouver l’argent nécessaire pour financer les travaux du lieu d’accueil… Alors après cinq mois de formation, j’ai appris à voir comme une réussite le fait de repousser le lancement de mon activité. Pour faire cela sereinement, dans de bonnes conditions, et non plus à tout prix, le plus vite possible. Alors aujourd’hui, j’ai repris un boulot associatif, je retape ma maison le week-end, je teste mes cours de cuisine… Et surtout je rencontre les autres animateurs sur le territoire, mes voisins et les paysans du coin. La stratégie des petits pas !

 

Clémentine

Saint-Nolff, le 28 novembre 2017

[1] Société coopérative ouvrière de production.


Commentaires

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Merci pour ce partage Clémentine! C'est enrichissant de lire ton cheminement, et ça me motive. J'ai un idéal de vie, et ai choisi de le concrétiser pas à pas: reprendre une ferme, ou un moulin à eau pour produire mon électricité, viser une certaine autonomie alimentaire. D'abord un lieu de vie, puis d'accueil pour partager les savoirs, et inciter les personnes à "sortir de leurs cadres" comme tu dis... je ne sais pas trop par où commencer. La formation CREOPSS n'a lieu pour l'instant qu'en Bretagne et j'aimerais être dans le Rhône-Alpes. J'ai monté un dossier de financement pour un BPJEPS "éducation à l'environnement vers un développement durable" en 2018... on verra où les opportunités et les rencontres me mèneront!
Très beau chemin de vie et d'apprentissages à Valérian et toi!

Merci Alice pour ton partage. J'avais aussi regardé les BPJEPS avant de me lancer dans une formation CREOPSS ! Je pense que l'essentiel, quel que soit le cadre que tu choisisses est de ne pas être seule et de trouver des gens pour t'entourer et réfléchir avec toi : ça fait moins peur et on est plus intelligent ! L'important pour moi dans ma formation n'a pas tant été le contenu de ce qu'on m'a apporté que les échanges, le temps et le soutien que j'ai reçu. Bonne suite dans tes projets et n'hésite pas à revenir vers moi si tu veux discuter :)

Merci pour ta réponse! Tu as raison, je sens le besoin d'être accompagnée dans mes démarches et entourée de personnes qui sont dans cet élan de réflexion de projet et d'actions, pas à pas. Voici mon mail pour échanger davantage: alice.boffet@gmail.com
A bientôt!

Bravo Clémentine! Quel beau projet! Le changement commence par un pas. J'habite à Peillac et je suis en pleine réflexion sur un projet de vie en accord avec la terre et les hommes. Ferme agroecologique, habitât autonome, recyclage, énergies propres ect.... Je constate avec joie que de nombreuses personnes se lance dans l'aventure du vivre autrement. Aprés quelques mois de recherche sur la toile quelques contact pris, je pense m'orienter vers la permaculture, je serai ravis d'échanger sur le sujet avec toi. A trés bientôt