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"Le financement participatif réinvente le système bancaire"


Augustin et Jean-Philippe pendant le Café la Fabrique, le 25 novembre 2017 


Jean-Philippe Gönenç et Augustin Mille ont tous les deux dévié de leur voie pour rejoindre le monde du crowdfunding. Le premier, ex-consultant en stratégie, travaille aujourd’hui pour Zeste, la plateforme de financement participatif de projets de transition lancée par la Nef. Le second, ancien restaurateur, travaille aujourd’hui à KissKissBankBank, un des leaders européen du financement participatif. À l’occasion du Café la Fabrique organisé fin 2017 par Colibris, pendant lequel ils ont aidé des projets à imaginer leurs campagnes de financement, tous deux sont revenus pour Colibris le Mag sur leur vision du crowdfunding.



Crowdfunding, financement participatif, cagnotte solidaire… depuis quelques années, on en entend beaucoup parler. Pour les entreprises, les associations ou les particuliers, il s’agit d’un moyen de récolter des fonds en s’appuyant sur un grand nombre de personnes investissant un petit montant. C’est également un outil pour fédérer une communauté autour d’une initiative. Il existe aujourd’hui trois grandes formes de crowdfunding : le don, avec ou sans contrepartie, le prêt, et l’investissement. Pour avoir une petite idée de l’ampleur du phénomène, en 2017, le montant collecté via le financement participatif a été de 336 millions d’euros, dont près de 80 millions de don... (voir le baromètre du crowdfunding en France en 2017)

crédit photo : http://financeparticipative.org

Les plateformes indépendantes de don ont échoué à trouver un modèle économique viable

L’arrivée du crowdfunding en France à partir du début des années 2010 a immédiatement suscité un engouement massif et une multiplication très rapide des plateformes. Aujourd’hui pourtant, se dessine déjà un mouvement de concentration. « On se rend compte que le modèle économique de la plateforme indépendante est extrêmement difficile à atteindre, nous explique Jean-Philippe, conseiller chez Zeste. Pour être rentable, la plateforme indépendante de don doit mobiliser un volume monétaire énorme, que seules les plus solides sont en mesure d’atteindre. » Les start-up pionnières ont donc toutes été obligées de diversifier leur activité en ajoutant au don une activité de pré-investissement ou de prêt. D’autres ont renoncé à leur indépendance en se faisant subventionner par des fondations privées ou en se liant aux établissements bancaires traditionnels. Le retentissant rachat de KissKissBankBank par la Banque postale en juin 2017 est à ce titre tout à fait révélateur de cette tendance.

Augustin, en entretien avec une porteuse de projet, Café la Fabrique

Toutefois, la non viabilité économique des plateformes indépendantes ne semble pas être une mauvaise nouvelle à proprement parler. Pour Jean-Philippe en effet, il n’existe pas de risque réel à lier crowdfunding et établissement bancaire : « L’objectif des banques n’est pas de gagner de l’argent grâce à ces plateformes, mais d’avoir une image attrayante et dynamique pour le jeune public. Ils ne risquent donc pas de refuser des projets comme ils refusent des prêts… »

Zeste

Zeste est une plateforme de finance participative sous forme de dons spécialisée dans les projets de la transition écologique, sociale, et culturelle. Fondé en 2016 pour répondre aux besoins des projets en création ou développement, Zeste complète l’offre de la Nef, coopérative financière d’épargne et de crédit. Jean-Philippe est l’un des deux membres de l’équipe de Zeste : « De mon passé de consultant, j’ai gardé la frustration d’un accompagnement trop théorique, répondant toujours aux mêmes règles, et très peu appliqué par les groupes. Avec le crowdfunding, l’enjeu financier direct et presque immédiat rend le conseil vivant, concret et en évolution perpétuelle. C’est un peu comme si chaque projet redéfinissait les règles. »

www.zeste.coop

Le crédit bancaire a besoin du financement participatif

Et pour cause, le fonctionnement du système bancaire et celui des plateformes de don restent profondément différents l’un de l’autre. Dans le premier, l’analyse de la viabilité du projet prime et l’accompagnement, lorsqu’il existe, reste minimal. Dans le cadre du crowdfunding en revanche, le « coaching » est essentiel quand l’évaluation économique du projet est quasiment inexistante. « Je suis un challenger mais en aucun cas un analyste. On commence toujours par un diagnostic, c’est vrai, mais c’est pour bien comprendre la raison d’être du projet, pas sa capacité à gagner des sous. La finalité  est de capter au mieux l’attention des gens. » explique Jean-Philippe. Zeste, où il travaille, est la plateforme de financement participatif liée à la Nef. Les chargés de crédit y sont davantage dans l’accompagnement que dans les autres banques, mais ils manquent de temps. « Beaucoup de conseillers clientèle voudraient passer plus de temps avec les demandeurs pour les aider à faire mûrir leur projet et le rendre éligible au crédit. Mais ils n’en ont pas le temps alors ils les renvoient vers Zeste qui prend le relais et prodigue cet accompagnement. »

Formation au crowdfunding, par Jean-Philippe, Café la Fabrique

Et de fait, « le financement participatif apporte le premier et le dernier euro. » Le dernier euro car, quand 100 000€ ont déjà été levés, les 20 000€ manquants ne peuvent plus venir que des copains. Le premier parce qu’un financement participatif est souvent un moyen de rendre un projet suffisamment solide pour qu’il puisse prétendre à un crédit par la suite. Mais aussi parce qu’une campagne a un effet de signal : si le public s’est mobilisé autour d’une proposition, cela veut dire que le « marché » est réceptif, et que ça vaut le coup de le financer. Il existe même des banques qui font des prêts d’honneur conditionnés à la réussite d’un financement participatif…  

Le crowdfunding : des projets attendus par la société au dessin d’un projet de société

Dès lors que la viabilité économique n’est plus un frein, tous les projets, quels qu’ils soient, peuvent prétendre au crowdfunding. Bien entendu, les plateformes sont garantes d’une éthique et opèrent une très légère modération en amont. Néanmoins, la véritable sélection se fait par le public. « En choisissant de contribuer à un projet, la foule exprime ses envies, ses besoins, ses goûts. Les citoyens financent des initiatives et, à travers elles, apparaît un véritable projet de société » nous explique Augustin de KissKissBankBank. Le succès du financement participatif du film Demain, qui a récolté le double des 200 000€ demandés à l’origine, illustre la croissance actuelle des préoccupations écologiques et le besoin de découvrir des alternatives positives. Les récentes réussites de financement collaboratif de l’initiative monrevenudebase (voir les articles sur le Mag, ici et ) témoignent également de l’appétence grandissante pour de nouvelles formes de travail et d’organisation sociale. A contrario, l’échec d’une campagne peut révéler le manque d’intérêt général suscité par un projet, et, selon Augustin, c’est une bonne chose : « Mieux vaut échouer une campagne que son projet ! C’est un bon test, qui permet de gagner du temps, et de valider son projet.»

"Le financement participatif apporte le premier et le dernier euro"

KissKissBankBank

Fondée en 2010 et rachetée par la Banque Postale en 2017, KissKissBankBank & Co  est la première plateforme de financement participatif qui permet aux projets des uns de rencontrer l’intérêt des autres pour faire vivre l’économie locale, solidaire, culturelle, l’économie réelle.

Augustin y accompagne les projets liés à l’agriculture, l’alimentation et la solidarité : « Il n’y a pas d’école du crowdfunding et on a tous des parcours différents. Ce qui est important, c’est d’être curieux, de savoir donner envie et mettre des mots sur des projets parfois complexes… autrement dit, toutes les qualités requises pour le métier de sommelier qui était le mien ! Ce qui, en plus, est enthousiasmant, c’est de participer à une aventure et d’en voir le résultat très rapidement. Ça donne le sentiment très concret de faire sa part au quotidien. »

www.kisskissbankbank.com

Quand l’argent recrée du lien

Aujourd’hui, la question se pose de l’excès de sollicitation du grand public. Mais là encore, pour Augustin, c’est plutôt une bonne nouvelle. « Plus on va avancer, plus les projets vont être qualitatifs. La compétition croissante incite à la créativité et à l’innovation. Et puis, le nombre grandissant de sollicitation n’est pas si gênant si l’on garde en tête que le crowdfunding redéfinit un peu la nature du transfert financier. L’argent acquiert une valeur émotionnelle et devient vecteur de lien social à l’échelle d’un groupe de personnes qui se connaissent de près, de loin… ou pas du tout. »

"En choisissant de contribuer à un projet, les citoyens expriment leurs envies, leurs besoins, leurs goûts. À travers les initiatives financées, apparaît un véritable projet de société."

Et demain ? Malgré un secteur nouveau, en évolution rapide et relativement imprévisible, pour Augustin, il est clair que l’avenir du crowdfunding réside dans l’épargne. « Le don est arrivé à saturation aujourd’hui, le marché est installé et stabilisé : une petite part de la population donne désormais de temps en temps, et ça ne bougera plus trop. Le champ de l’épargne risque cependant d’être rapidement bouleversé. À l’heure où le secteur bancaire doit se réinventer, qui ne se demande pas comment placer son argent de façon rémunératrice dans des projets qui ont du sens ? »

 

La Fabrique des colibris

Lancée en 2016 par Colibris, La Fabrique est une plateforme d’entraide citoyenne où chacun peut trouver comment "faire sa part". Bénévolat, expertise, matériel, des centaines de porteurs de projets partagent leurs besoins sur la Fabrique. En quelques clics, il est possible de découvrir et soutenir ces projets qui participent à l’émergence d’une société plus écologique et solidaire ! En 1 an et demi, la Fabrique a déjà permis plus de 4 000 mises en contact entre porteurs de projets et citoyens. Elle réunit aujourd’hui 270 projets et 600 façons de "faire sa part" à leurs côtés. Colibris s'est notamment associé à KissKissBankBank et Zeste pour proposer des solutions de financement aux porteurs de projets.

www.colibris-lafabrique.org


Crédit photos : Éliane Léoni et Tino Avila

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Bonjour,
J'ai eu connaissance de cet outil fort intéressant à Habiterre, éco lieux du Diois. Avec un amis nous souhaitons à notre tour créer un éco-hammeau avec un projet de forêt comestible, culture en plantes médicinales, permaculture et source de vie. Les moyens personnels ont été suffisant pour acheter les terres, mais insuffisant pour la suite. La question venant est donc comment accéder à ce genre de "prêt"? Comment monter un dossier? à Qui s'adresser? Je vous remercie pour tous ce que vous faites.
Cordialement,
Marina

Bonjour Marina, Je vous invite à visiter les sites de financement participatif, tout est expliqué pour déposer un projet. Vous pouvez aussi, dans votre cas, passer par la Coopérative Oasis, qui propose le financement d'écolieux : https://cooperative-oasis.org/ . Cordialement, Gregory / Colibris