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COP26 : Comment éviter le grand dérapage du climat ?


«  Urgence ! ». Le mot est sur toutes les lèvres. Il témoigne d’une profonde angoisse de millions d’habitants sur Terre, en particulier parmi les jeunes et les peuples les plus exposés aux dérèglements climatiques. « Le temps presse dangereusement », a lancé à l’ouverture de la COP26 sur le climat à Glasgow, en Écosse, Inger Andersen, la patronne du Programme des Nations Unies pour l’Environnement (PNUE). « Je suis très inquiet, parce que ça peut mal se passer », reconnaît Boris Johnson, le Premier ministre britannique et l’hôte de ce Sommet climatique planétaire. « Ce sommet pourrait bien être la dernière chance dont le monde dispose pour éviter une catastrophe climatique » soupire, de son côté, la cheffe de l’exécutif écossais, Nicola Sturgeon. Il faut tout oser pour éviter « un aller simple vers un désastre », tonne avec gravité le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, qui n’a pu s’empêcher de twitter « je quitte Rome [où se tenait, le weekend dernier, le G20 des grandes puissances, ndlr] avec des espoirs déçus - même s'ils ne sont pas enterrés ». Pas de calendrier pour la neutralité carbone, pas d’objectifs précis sur l’abandon du charbon dans chacun des pays du G20, pas d’engagement à la hausse pour aider le Sud dans sa transition climatique... C’est peu dire que les demi-mesures annoncées à Rome n’ont pas convaincu.


Condamnés au succès

Aussi, jamais, sans doute, un Sommet mondial n’aura été autant redouté… Cette 26e Conférence des Nations unies sur le climat, qui se tient du 31 octobre au 12 novembre, réunit les représentants de 196 pays et de l’Union européenne – mais sans Poutine, sans Xi Jinping ni Bolsonaro. Ce Sommet de Glasgow doit être « un accélérateur de l’action ! » exhorte Laurent Fabius, qui présidait il y a six ans le Sommet de Paris (COP21). Rappelons que l’Accord de Paris visait, sans contrainte véritable, à limiter la hausse de la température moyenne du globe par rapport à la période préindustrielle (1850-1900) « bien en deçà de 2 °C » et incitait à « poursuivre les efforts pour limiter la hausse de la température à 1,5 °C »

Un vœux pieu ? Tous les spécialistes du climat le craignent, aucun politique ne l’avoue. Et pourtant… Le but de cette grand-messe planétaire demeure le même qu’il y a six ans : négocier et engager les États à agir plus vite et plus fort afin de tenir les promesses faites à la COP21. Mais cette fois, la COP26 ne doit pas se conclure par un simple accord, comme à Paris, mais bien par une somme de décisions !

La « neutralité carbone » affichée

L’équation ne soufre d’aucune incertitude : lorsqu’on compile les plans d’action climatique des 192 Parties, couvrant 98,62 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre (GES), ceux-ci mettent en réalité la planète sur une trajectoire de +2,7 °C. Et les toutes dernières annonces d’États parmi les plus pollueurs, en levée de rideau de la COP26, la ramèneraient autour de +2,2°C.

Nombre de pays ont ainsi brandi des objectifs de « neutralité carbone », soit l’atteinte d’un équilibre entre les émissions et l’absorption du carbone de l’atmosphère par les puits de carbone, qu’ils soient naturels (sol, forêts, océans) ou artificiels. L’UE prévoit d’atteindre cette neutralité carbone d’ici 2050. La Chine l’a promis pour 2060. Même des pays comme le Brésil, la Russie, la Turquie ou les Émirats arabes unis l’ont annoncée pour les alentours de 2050. Sans forcément indiquer comment ils comptent y parvenir… La prudence, voire la perplexité, des experts reste de mise tant les objectifs de nombreux plans demeurent vagues ou souvent incomplets.

En volume, l’effort à consentir se traduit ainsi : alors que la somme des engagements pris il y a un mois conduit à des émissions de 54,9 milliards de tonnes équivalent CO2 (GtCO2eq) en 2030, celles-ci devraient plutôt être à la même période de l'ordre de 35,5 GtCO2eq pour espérer limiter à 2 °C la hausse de la température moyenne du globe, et d’environ 26 GtCO2eq si on veut limiter la hausse à 1,5 °C. 

Le coût exorbitant de l’inaction

En clair, cela revient à diviser par (plus) de deux les prévisions actuelles de croissances des émissions mondiales ! La marche est très haute. C’est le coût de l’inaction des gouvernements et des puissances industrielles et financières depuis trente ans. Une fuite en avant qui, hélas, se poursuit : après la pandémie de Covid-19, les États n’ont pas saisi l’occasion des plans de relance pour accélérer la transition climatique, avec seulement 17 % à 19 % des investissements post-Covid susceptibles de réduire les émissions, déplore le dernier rapport du PNUE. Or, tous savent parfaitement qu’un nouvel atermoiement ne fait qu’élever, de façon exponentielle, le niveau des efforts à fournir. 

« Si nous continuons à utiliser les ressources fossiles de manière illimitée, nous pourrions atteindre un réchauffement d’environ 4°C d’ici à fin du siècle »

« Il ne s’agit pas juste d’une formule chimique et de chiffres sur un graphique. Cela a des répercussions massives sur notre vie quotidienne et notre bien-être, sur l’état de la planète et sur l’avenir de nos enfants et petits-enfants », a précisé Petteri Taalas, le secrétaire général de l’Organisation météorologique mondiale (OMM), qui indiquait à l’ouverture du Sommet de Glasgow que les sept dernières années ont été les plus chaudes jamais enregistrées… L'OMM décrit ainsi un climat mondial entrant en « terrain inconnu ». Et d’ajouter : « Si nous continuons à utiliser les ressources fossiles de manière illimitée, nous pourrions atteindre un réchauffement d’environ 4°C d’ici à fin du siècle ». Bref ! l’enfer sur terre. 

Honorer la « dette climatique » à l’égard du Sud

Si les engagements pris par les États doivent à être confirmés et surtout concrétisés, la plupart des pays en développement formulent des engagements conditionnés à un soutien financier… Et la défiance du Sud à l’égard du Nord est devenue très forte. « L'engagement de mobiliser 100 milliards de dollars par an d'ici à 2020 est [donc] essentiel pour renforcer l'action des pays en développement en faveur du climat », insiste Patricia Espinosa, secrétaire exécutive de la Ccnucc. D’après l’Organisation de coopération et de développement économiques, en 2019, seuls 79,6 milliards de dollars ont été déboursés – ou plutôt remboursés, au titre de la « dette climatique ». 

Cette solidarité entre les pays riches du Nord, historiquement responsables du réchauffement, et ceux du Sud, en première ligne face à ses impacts dévastateurs, est d’ailleurs au cœur des négociations de cette COP26. Les nations pauvres ne veulent plus se laisser berner ! Des engagements effectifs pris par les grandes puissances* dépendra donc le succès de ce Sommet. Et au-delà, la trajectoire climatique des années qui viennent.

Reprendre l’initiative

« Pas l'année prochaine. Pas le mois prochain. Maintenant ! ». Toujours aussi percutante, Greta Thunberg, arrivée en train à Glasgow, a fait part de sa colère. Et des dizaines de milliers de manifestants, venus du monde entier, ont défilé dans les rues de la cité écossaise pour dénoncer l’hypocrisie ou le manque de courage des dirigeants de ce monde en crise. Légitime !

« Pas l'année prochaine. Pas le mois prochain. Maintenant ! »

Ce combat pour les pousser à passer des paroles aux actes, pour que leurs actes soient à la hauteur de leurs proclamations, est fondé. De même pour que les décisions prises soient équitables et solidaires envers plus vulnérables. Je ne peux me résoudre, pour autant, à remettre mon destin, et surtout celui des jeunes générations, entre les mains des gouvernements, des industriels ou des financiers. Cela n’a rien d’une abdication. Mais au vu les promesses non tenues, la poursuite obstinée de cette élite dans ses errements en faveur de notre civilisation thermo-industrielle, il est urgent de ne surtout pas les attendre pour agir. Et changer de trajectoires partout où on le peut, dans nos vies quotidiennes, dans nos activités et dans nos territoires. Adopter des modes de vie plus sobres et harmonieux avec les ressources de notre Terre. Pousser nos entreprises et nos collectivités à rompre avec les modèles de développement, de mobilité ou de logement énergivores et polluants. Inventer collectivement de nouvelles façon de vivre, de produire et de travailler pour le bien commun, sans prédation ni confiscation des ressources, en veillant toujours aux besoins des plus précaires, et à réduire ou compenser notre empreinte climatique.



Les photos qui illustre cet article sont en licence libre.


Aller + loin

- Neutralité carbone, avec ou sans atome ?, notre article sur les enjeux énergétiques dans le cadre de la COP26.

- Le grand FLOP26 !, notre tribune bilan de la COP26.  



* La France a promis de consacrer chaque année 6 milliards d’euros de 2021 à 2025 à cette « date climatique », dont un tiers dédié à l’adaptation. Ce que le Réseau action climat (RAC) juge insuffisant, réclamant de Paris 8 milliards d’euros par an d’ici à 2025, dont 50 % consacrés à l’adaptation et 35 % de dons, contre 15 % aujourd’hui. 


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